Les règles administratives et le droit public: Aux confins de la régulation juridique

Le phénomène des règles administratives Ces directives, les politiques, les guides, les manuels) intéresse de plus en plus les tribunaux et les cours de justice. Il n'y a pas si longtemps, ces règles étaient toutes traitées comme des mesures d'ordre intérieur. En admettant qu'un nombre important d'entre elles ont des effets externes, la protection des droits et des intérˆts des administrés devient, un enjeu majeur en droit public. La question centrale de cette thèse est la suivante: est-ce que les règles administratives qui ont des effets de droit sur les administrés constituent un ensemble de règles juridiques valides dans l'ordre juridique étatique?

Après avoir identifié les fondements théoriques des conditions de juridicité posées en droit positif, je vérifie si ces conditions établissent un raisonnement théorique suffisant pour maintenir la grande majorité des règles administratives hors du domaine réglementaire et, par conséquent, du droit. J'ai conclu que la théorie normativiste ne pose pas d'empêchement à la reconnaissance du caractère juridique des règles administratives. Il est donc inexact d'invoquer cette théorie pour justifier le confinement des règles administratives dans la zone grise du para-droit c'est-à-dire dans un espace o l'existence d'une forme de normativité est reconnue, mais non son caractère juridique.

S'agissant de la validité des règles administratives; mes analyses ne portent pas sur l'existence d'un rattachement formel de la règle à l'ordre juridique, car ce point est admis par la majorité des juristes de droit administratif: les règles administratives sont issues du pouvoir discrétionnaire lequel est attribué aux administrateurs par les lois constitutives ou d'application des organismes administratifs.

Sur le plan théorique, j'ai choisi d'étudier la validité d'un échantillon de règles administratives, répertoriées dans divers organismes fédéraux, en poursuivant les travaux de certains juristes de droit administratif qui invoquent la théorie institutionnelle pour expliquer le phénomène des règles administratives. Ces règles servent à résoudre des problèmes administratifs, politiques, économiques sociaux et juridiques et elles sont intégrées de manière compatible avec une interprétation fonctionnelle des compétences attribuées aux organismes. Toutefois, une minorité de règles administratives est invalide du point de vue du droit administratif. Ce type de règles administratives est intéressant du point de vue théorique puisquil permet de mieux comprendre les limites de la théorie institutionnelle lorsqu'il s'agit d'expliquer les transformations structurelles du droit.

En somme, le maintien des règles administratives hors du droit ne favorise pas une construction cohérente de l'État de droit. Pour donner effet à cette notion, qui fait désormais partie du droit public canadien depuis l'arrˆt Nova Scotia Pharmaceutical Society, il est impératif que les règles administratives soient reconnues comme des règles de droit. (Abstract shortened by UMI.)

Alternate abstract:

The phenomenon of administrative rules These directives, policies, guides, manuals) are of growing interest to tribunals and courts of law. Not so long ago, these rules were all treated as internal measures. Admitting that a large number of them have external effects, the protection of the rights and interests of citizens becomes a major issue in public law. The central question of this thesis is the following: do the administrative rules which have legal effects on the citizens constitute a set of valid legal rules in the state legal order?

After having identified the theoretical foundations of the legality conditions laid down in positive law, I check whether these conditions establish sufficient theoretical reasoning to keep the vast majority of administrative rules outside the regulatory domain and, therefore, outside the law. I have concluded that the normative theory does not pose an impediment to the recognition of the legal character of administrative rules. It is therefore inaccurate to invoke this theory to justify the confinement of administrative rules in the gray zone of para-law, that is to say in a space where the existence of a form of normativity is recognized, but not its legal character.

Regarding the validity of administrative rules; my analyzes do not relate to the existence of a formal attachment of the rule to the legal order, because this point is admitted by the majority of the jurists of administrative law: the administrative rules result from the discretionary power which is attributed to the administrators by the laws constituting or applying the administrative bodies.

On the theoretical level, I have chosen to study the validity of a sample of administrative rules, listed in various federal agencies, by continuing the work of certain jurists in administrative law who invoke institutional theory to explain the phenomenon of administrative rules. These rules serve to solve administrative, political, economic, social and legal problems and they are integrated in a manner compatible with a functional interpretation of the competences attributed to the bodies. However, a minority of administrative rules are invalid from an administrative law perspective. This type of administrative rule is interesting from a theoretical point of view since it allows us to better understand the limits of institutional theory when it comes to explaining the structural transformations of law.

In short, maintaining administrative rules outside the law does not promote a coherent construction of the rule of law. To give effect to this concept, which has become part of Canadian public law since the Nova Scotia Pharmaceutical Society case, it is imperative that administrative rules be recognized as rules of law. (Abstract shortened by UMI.)